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Scripter le générique

Architecture
Philippe Drouin
La centralisation éphémère de l’industrie montréalaise de la mode vers le secteur Chabanel se traduit aujourd’hui en des immeubles hors d’échelle et pratiquement vacants. Génériques, banals, objectifs, standardisés, anonymes, familiers, communs, équivalents. Ces qualificatifs dépeignent la majorité des immeubles résultant d’une logique de maximisation de la superficie dans le but de favoriser le rendement sur investissement des promoteurs immobilier. Par tentative de relance économique, des espaces auparavant occupés par des manufactures de textiles sont convertis en bureaux . Néanmoins, le taux d’inoccupation demeure significatif, le constat de l’échec de Chabanel est d’autant plus amplifié. Les promoteurs immobiliers ont misé sur une certaine flexibilité programmatique basée sur la conception d’espaces génériques pouvant être altérés selon une quantité finie d’occupations. Hypothèse : l’architecture de Chabanel n’était pas assez générique.

En effet, ce qui dicte réellement le registre des usages possibles pour un espace donné, est sa capacité structurale ainsi que son degré de résistance au feu selon le Code national du bâtiment en vigueur. Les espaces sont alors trop souvent conçus en fonction de l’usage le plus exigeant. Forcément, un usage moins exigeant devra composer avec les répercussions négatives de cette conception restrictive.

L’approche itérative paramétrique favorise un pragmatisme aspirant à dénuder la proposition de toutes spécificités programmatiques. Formellement, la transposition de la flexibilité structurelle est gérée par une matrice tridimensionnelle de 4 degrés de subdivisions. Les gradients de densité sont maximisés pour générer des moments structuraux diversifiés, qui influencent ensuite les portées et hauteurs libres des espaces résultants. Le degré de résistance au feu est géré verticalement par les dalles variant en épaisseurs. Une mécanisation assumée du bâtiment donne lieu à un jeu d’ascenseurs permettant un gradient de progressions des humains et des objets vers leurs étages respectifs. Un recul aléatoire de l’enveloppe par rapport au nez de la dalle permet d’offrir une diversité d’espaces extérieurs adjacents sur les 24 différents étages.

Ce projet d’architecture propose donc d’assumer la généricité par une superstructure favorisant une flexibilité programmatique basée sur le principe du gradient : un pôle, une variation dans l’espace, un autre pôle. La flexibilité s’obtiendrait donc par une multiplicité de situations distinctes, et davantage par le potentiel de mixité programmatique des espaces contenus entre les pôles.

Le Code national du bâtiment catégorise les usages et prescrit des nombres entiers; le concret est toujours plus nuancé et travaille avec les nombres réels. Le gradient est alors l’outil mathématique permettant de visualiser et de mesurer les variations entre ceux-ci. Ultimement, l’occupation qui en découle peut être comprise comme un ensemble d’éléments très spécifiques, cependant leur cohabitation est certainement génériquement sublime. Impression 3D / Échelle 1: 2000

Ouverture sur l'appropriation probable de la forme générique par un promoteur immobilier fictif.