Il est pénible de se loger à Montréal, où le taux d’inoccupation a atteint son niveau le plus bas depuis plus de 15 ans. La hausse des prix des loyers retarde l’accès à la propriété et réduit l’offre de logements pour les personnes à faible revenu. Faisant face à ces circonstances et devant l’absence de solutions de rechange, il n’est pas surprenant que plusieurs soient contraints à vivre dans la rue. Chaque nuit à Montréal, c’est plus de 3000 personnes qui se retrouvent sans domicile, subissant les intempéries et l’insécurité de la rue.
Malgré la sensibilisation, la présence d’itinérants dans l’espace public suscite son lot de réactions de la part des citoyens comme des élus, dont l’opinion fluctue entre la compassion en hiver et l’aversion en été. Alors que le centre d’hébergement constitue l’option préférable, son fonctionnement est paradoxal ; malgré la possibilité d’aider à sédentariser la population itinérante, on décourage l’enracinement au moyen de règles qui renvoient promptement les usagers à la rue. Tout laisse croire qu’il y a place à l’exploration de solutions intermédiaires innovantes dans un processus intégré de conception inclusive de la ville pour faire le pont entre l’itinérance et la sédentarité. L’aménagement se trouve au cœur des réflexions, puisque l’intervention idéale favorise la réduction des conflits en rapport au partage de l’espace public et au droit à la ville.
Pourquoi éradiquer le boisé et sa friche, avec toute la biodiversité qu’elle héberge, en plus de la population itinérante qui y réside, au profit d’un paysage anthropocènique contemporain ? Le boisé de la bienveillance propose une organisation d’abris informels in situ qui répondent aux besoins immédiats de personnes en situation d’itinérance chronique ou situationnelle. Cette proposition représente une parcelle manquante du contexte montréalais, une solution résiliente inscrite dans un site naturel qui a lui-même été délaissé, ayant le pouvoir de se mouvoir et d’évoluer dans le temps.